Écoles primaires : les dessous de la francisation

Dans une vision d’éducation inclusive, le Centre de services scolaire des Rives-du-Saguenay soutient l’intégration linguistique, scolaire et sociale. Nos écoles primaires et secondaires de même que notre centre d’éducation des adultes consacrent d’importants efforts au niveau de la francisation des nouveaux arrivants.

Au niveau primaire et secondaire, les jeunes peuvent poursuivre simultanément l’apprentissage de la langue française et celui des divers contenus scolaires, ce qui contribue à leur intégration harmonieuse à l’école et à la société québécoise. Des élèves sont intégrés à tout moment. Actuellement, environ 110 élèves issus de l’immigration de niveau primaire, dont environ 90 ont besoin de services de francisation, étudient dans nos écoles primaires. Au secondaire, ce sont environ 30 élèves qui ont besoin de service d’apprentissage de la langue française. Les services d’accueil et de soutien à l’apprentissage du français sont des services intensifs de première ligne offerts à l’arrivée des élèves jusqu’à ce qu’ils puissent suivre l’enseignement régulier en français. 

Dans le cadre d’un cours en Art et technologie des médias du Cégep de Jonquière, Alexis Desnoyers-Muckle s’est penché sur la réalité de nos enseignantes en francisation au primaire. Le nombre d’élèves issus de l’immigration est en constante augmentation sur notre territoire. Nous vous proposons l’article qu’il a rédigé.

Chine, Iran, Ukraine, jamais les écoles primaires de la région n’ont eu autant de nationalités différentes en leur mur. Héros de l’ombre, les professeurs en francisation aident ces enfants issus de l’immigration à surmonter cet énorme défi qui est d’apprendre la langue française. 

La cloche de la récréation a sonné, il est temps pour Josiane Boily d’aller chercher les sept jeunes qui seront avec elle pour la dernière période de la journée.  Initialement engagée pour un projet pilote, l’enseignante qui travaille actuellement dans plus de six écoles au Centre de services scolaire des Rives-du-Saguenay s’occupe de 35 élèves. Au nombre de ces jeunes, 22 étudient à Félix-Antoine Savard qui compte maintenant plus de 26 nationalités différentes. « Ça augmente chaque année, c’est fou », affirme-t-elle les yeux pétillants. Dans l’établissement, elle est considérée comme indispensable par plusieurs. Pour Mélanie Brassard, qui a accueilli il y a un mois une élève ukrainienne dans sa classe, Josiane est une « perle ».  « Elle est très rassurante pour nous et nous donne de très bons conseils », confie l’enseignante de quatrième année.

Une fois le groupe complété, ils se dirigent vers le local du service de garde. Cet après-midi, Josiane se sent choyée : elle pourra donner sa leçon dans le meilleur local de l’établissement. Celui-ci possède un tableau interactif, de grandes tables et de beaucoup d’espace. Elle n’a pas toujours cette chance. « Parfois, je donne mes cours dans des petites salles sans tables et sans tableau », souligne-t-elle en montrant un vestiaire où elle travaille à l’occasion.  Dans les grands centres, les écoles primaires ont des classes dédiées aux cours de francisation, ce qui n’est pas le cas pour celles en région.

Durant l’heure de leçon, les enfants créent une certaine chimie. Ils semblent à l’aise et les voir s’amuser entre eux n’est pas rare. « Être avec des personnes qui vivent les mêmes défis vont les rassurer. Ils sont souvent très enthousiastes de venir au cours », explique Mme Boily. C’est assez fréquent que les étudiants développent des relations particulières avec leur professeur en francisation, car celui-ci va les comprendre et les écouter. Les élèves issus de l’immigration vont parfois s’ouvrir sur les difficultés qu’ils vivent depuis qu’ils sont dans la région. « Quelques-uns vivaient dans de meilleures conditions dans leur pays d’origine », révèle Sabrina Gagné, qui donne des cours de francisation à des adultes à l’école Laure Conan. « J’ai des élèves qui étaient des médecins réputés et qui habitaient dans une grande maison, mais ici, ils résident dans un petit appartement. »

En raison de la langue, l’intégration peut être ardue pour les immigrants. « C’est beaucoup pour eux. Tu viens à l’école pis tu ne comprends pas. Les autres ne t’approchent pas à cause de la langue. Et toi tu ne vas pas vers eux parce que tu te sens mauvais », affirme Josiane Boily. Celle-ci a cependant remarqué qu’ils ont plus de facilité à s’adapter au primaire qu’au secondaire. Les jeux dans la cour de récréation et la curiosité des enfants expliqueraient la tendance. Parmi ceux qui assistent au cours, il y a une jeune Colombienne qui est arrivée récemment dans la région. Bien qu’elle soit relativement timide, ses collègues essaient de communiquer avec elle et l’aident durant les exercices.

Lorsque l’enseignante pose une question, les réponses vont souvent venir de la bouche d’Adam (nom fictif), un Cubain qui suit des cours avec elle depuis trois ans. Celle-ci décrit son progrès comme étant « fascinant ».  Il n’est d’ailleurs pas inhabituel que ses élèves soient meilleurs que leurs parents. « Ce n’est pas rare qu’un de mes étudiants me dise que ses enfants le corrigent », avoue Sabrina Gagné en riant.

On retrouve plus de cinq paliers différents dans le programme de francisation de Mme Boily. Plus un jeune monte de niveaux, plus les exercices sont ardus. Pour elle, l’important c’est qu’ils apprennent à leur rythme sans se mettre de pression.  Selon les exercices, l’enseignante va à l’occasion diviser le groupe en deux.  Les plus expérimentés d’un côté et les moins habiles de l’autre. Pendant le cours, le premier groupe doit créer des phrases avec des mots tandis que le deuxième doit simplement nommer des objets en français. « Ils ne sont pas du même niveau. C’est donc pour ça que je vais parfois les séparer », explique la professeure quand la cloche annonce la fin des classes.

Selon les projections du gouvernement du Québec, la province aura accueilli plus de 100 000 immigrants en 2022. Pour Sabrina Gagné, les Québécois doivent être ouverts à eux : « Ils ont tellement à offrir. Ces gens-là sont une richesse extraordinaire. »

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